Cinq espèces, un an, un film : « Le Pari » de Baptiste Deturche

Cinq espèces, un an, un film : « Le Pari » de Baptiste Deturche

Filmer cinq espèces de galliformes de montagnes en moins d’un an, c’est le défi que s’est lancé Baptiste Deturche, réalisateur du film « Le Pari ». Un challenge réussi car il livre début janvier un très beau film sur ces « poules » de montagne, espèces fragiles, discrètes et pas toujours faciles à filmer… Baptiste Deturche revient sur ce tournage rythmé par des battements d’ailes et des parades amoureuses.

Filmer cinq espèces de « poules » de montagne en un an, c’est une sacrée idée ! Comment en-es tu venu à faire ce film ?

Cela faisait un moment que je voulais faire un film sur les tétras lyres parce que c’est une espèce emblématique des Alpes. Et c’est aussi une des premières espèces que j’ai filmées et trouvées par moi-même. Qui dit tétras lyre dit « tétraonidés » [oiseaux de la même famille que les tétra-lyres] alors j’ai élargi à ces 5 espèces : Le tétras lyre, la gélinotte des bois, le lagopède alpin, le grand tétras, la perdrix bartavelle.

Le but était de faire un film à sortir rapidement pour parler de l’urgence de protéger ces espèces. Au final c’est en mélangeant pleins d’idées, le local, les galliformes, la montagne, la sensibilisation, que j’en suis arrivé au film « Le pari ».

Comment se forme-t-on pour être vidéaste ou photographe animalier ?

En cherchant une formation, je suis tombé sur l’IFFCAM, L’Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute, qui propose un master unique en Europe pour se former au documentaire animalier. Avec le master j’ai fait des stages avec notamment Anne et Erik Lapied pour lesquels j’ai travaillé sur 3 de leurs films (La fabuleuse histoire du gypaète, Aigles et gypaètes les maîtres du ciel et Dessine-moi une montagne).

Quelle est la préparation pour être sûr de récupérer des images sur le terrain ?

L’organisation du tournage est un calendrier très précis ! Je connaissais déjà trois espèces, le tétras-lyre, le lagopède et la gélinotte. Etant donné que ce sont des espèces sensibles, fragiles, très discrètes, je ne pouvais pas me permettre d’aller sur le terrain et de voir ce que ça allait donner.

Tout devait être prévu à l’avance, c’est pour ça que j’ai maximisé le tournage du début à la fin du printemps parce que c’est la période de reproduction et aussi là où c’est le plus facile de les voir.Je me suis beaucoup renseigné en amont, dans la littérature, auprès de collègues photographes qui maîtrisent le sujet et j’ai aussi travaillé avec des scientifiques. Au final, ce tournage c’était beaucoup d’apprentissage, de recherches, de planning mais c’est aussi la base dès qu’on fait des images animalières.

Une fois sur place, comment as-tu filmé ces espèces ?

Pour le grand tétras et le tétras lyre, par exemple, qui sont des espèces très sensibles au dérangement, je rentrais dans ma tente la veille vers 18h et je n’en sortais pas avant le lendemain en fin de matinée. Je limite au maximum ma présence, il y a juste la tente, qui ne dérange pas les animaux. La preuve : de nombreuses fois, le tétras lyre est venu tellement proche que je n’arrivais plus à faire la mise au point. L’animal était à moins de trois mètres de la tente !

“Si je fais des films animaliers, ce n’est pas seulement pour faire des belles images. C’est surtout parce que c’est ma manière de participer à la préservation de l’environnement.”

Quelle a été la plus grosse difficulté sur le tournage ?

La difficulté aussi a été de se focaliser sur cinq espèces qui ont la réputation d’être assez compliquée à trouver. Pour te donner un exemple, le surnom de la gélinotte c’est « le fantôme des bois ». Pour la perdrix bartavelle, la gélinotte et le grand tétras, il ne me fallait pas moins d’images, j’ai eu juste ce qu’il me fallait.

A la fin du film, tu parles de l’urgence et de la nécessité de protéger ces espèces. Est-ce que c’est important pour toi de parler de la thématique environnementale quand tu fais un film ?

Si je fais des films animaliers, ce n’est pas seulement pour faire des belles images. C’est surtout parce que c’est ma manière de participer à la préservation de l’environnement, notamment en faisant de la prévention. Mon précédent film était sur le renard polaire en Scandinavie. Le public était content, j’ai adoré faire ce film mais j’avais un sentiment d’insatisfaction par rapport à la sensibilisation. Les gens étaient moins touchés parce que le film se passait loin de chez eux. J’adore nos montagnes françaises du coup j’ai voulu sensibiliser d’abord les gens autour de moi. Avec mes films, je veux donner des clés et après chacun en fait ce qu’il veut. Je fais beaucoup de projections avec les scolaires par exemple pour donner ces clés tôt. Au final, ce que je cherche avec ce film ce n’est pas à donner des leçons. je le veux un peu pédagogique, émerveillant, sensibilisateur, forcément, mais surtout pas moralisateur !

Le Pari de Baptiste Deturche, 52min. En savoir plus sur le film
Retrouvez toutes les projections sur le site du réalisateur

Gaïa, solidarité des profondeurs : un demi-siècle de secours spéléo raconté en images

Gaïa, solidarité des profondeurs : un demi-siècle de secours spéléo raconté en images

Dans les rassemblements spéléos, cela va « du jeune pratiquant néophyte au vieux spéléo qui a tellement d’arthrose qu’il ne peut plus descendre sous terre » nous raconte Bertrand Rocourt. A la 3SI, Spéléo SecourS Isère, les générations communiquent entre elles pour faire vivre cette association indispensable. L’association a fêté ses 50 ans en 2020. Dans « Gaïa, solidarité des profondeurs », Bertrand Rocourt dépeint un réseau de bénévoles  soudés, des aventures humaines et une histoire transgénérationnelle.

« Parole de réal » avec Bertrand Rocourt, réalisateur de Gaïa, solidarité des profondeurs, un film soutenu par le FODACIM.

Gaïa ne fait pas partie de vos projets habituels, quel est votre parcours ?

J’ai fait un master cinématographie en école de cinéma à Londres (NFTS, National film and Television school). Depuis, j’exerce en freelance en tant que chef opérateur sur une palette de projets assez large : de la fiction, de la publicité, du clip et du cinéma d’animation en stop motion.

De chef op’ à réalisateur, comment vous-êtes vous retrouvé à réaliser Gaïa ?

La 3SI pour ses 50 ans voulait faire un film sur la spéléo. Ils avaient beaucoup d’idées et pas mal d’envies pour marquer le coup car c’est un anniversaire important. Ils m’ont contacté à ce moment là pour faire un film car je suis aussi spéléologue et j’ai grandi dans ce milieu. J’étais partant dès le départ, parce que je fais partie de l’association et que ça m’intéressait aussi de pouvoir apporter une modeste contribution à la vie de l’association et marquer cet anniversaire.

Comment avez-vous sélectionné les histoires racontées dans le film ?

J’avais déjà des événements clés qui me paraissaient importants à mettre dans le film.
Mais je ne voulais pas faire un film chronologique. Il y a peu de dates dans le film parce
que je voulais que le fil conducteur soit l’aspect humain car c’est ce qui fait le ciment de
cette association.

A mi-chemin dans le tournage, je me suis demandé comment j’allais m’en sortir. Parce que tout est tellement riche, j’aurais pu faire un film sur un seul des personnages qui apparaît dans le documentaire ! L’idée d’avoir des chapitres dans le film a permis de débloquer la situation et de regrouper certaines thématiques. Malgré ce découpage, je voulais qu’il y ait quand même un fil conducteur général dans la production.

Est ce que la 3SI vous a aidé dans le choix des récits racontés ou c’était une vraie carte blanche ?

Connaissant très bien les anciens de la 3SI, j’ai pu m’appuyer sur leur vision des choses,
pour savoir ce qui était vraiment important de raconter. C’était un mélange de liberté et de certaines choses clés dont l’association voulait parler mais ne savait pas forcément
comment. Il fallait aussi que je parle de l’association mais sans savoir sous quel angle.
L’idée n’était en tout cas pas du tout de faire un film institutionnel.

Pour illustrer les histoires plus anciennes, vous avez utilisé des archives de l’INA dans le film.

Un gros travail de recherche a été fait dans la bibliothèque de l’INA, avec l’aide d’autres personnes de l’association. Ensuite, le film a été tourné dans un format proche du 4:3 volontairement pour qu’il y ait peu de différences visuelles entre les images d’hier et d’aujourd’hui. Le film est fait de telle sorte que les images d’archives et les images d’aujourd’hui communiquent entre elles.

Filmer sous la terre, ça doit être une sacrée préparation !

Puisque je connais le type d’exercices de la 3SI, je savais à peu près quelles images je pouvais faire mais la difficulté du tournage c’est qu’on tourne dans un milieu hostile pour le matériel avec de l’humidité, de la poussière, des étroitures.
Une autre spécificité du tournage sous terre c’est l’absence totale de lumière. Sous terre, c’est le noir absolu, sans leurs éclairages, les spéléos ne voit pas leurs mains à 2cm devant leur visage ! Je ne voulais pas que le film paraisse éclairé. Toutes les sources de lumière utilisées dans ce film ce sont les éclairages des spéléos pour que l’image retranscrive au maximum ce qu’on vit sous terre en tant que spéléo.

Le film sort à l’occasion des 50 ans de l’association 3SI, pensez-vous qu’il pourra intéresser un public plus large que les spéléologues ?

Je voulais éviter d’avoir un film spéléo pour les spéléo. Une image que peut avoir le grand public des spéléos ce sont des personnes qui enfilent des combinaisons crasseuses pour aller sous terre et ressortir encore plus crasseux. On peut se demander l’intérêt de cette pratique. Le film met les valeurs humaines, la solidarité et les histoires en résonance avec la beauté du milieu souterrain, la dimension de découverte.

Gaïa, Solidarité des profondeurs. 38′ En savoir plus sur le film

L’Or bleu des Alpes, un cri d’alarme sur nos ressources en eau douce

L’Or bleu des Alpes, un cri d’alarme sur nos ressources en eau douce

L’été caniculaire que nous venons de vivre, avec pour conséquence une grave sécheresse toujours pas résorbée, nous a rappelé à quel point l’eau douce était un bien précieux. Mais tout au sommet des montagnes, cette ressource est polluée, notamment par des micro-plastiques. Pour son film L’Or bleu des Alpes, la réalisatrice Dorothée Adam a suivi des chercheurs et des ingénieurs qui étudient cette atteinte à l’environnement. Récit d’un tournage très sportif, pour celle qui fut pendant cinq ans la réalisatrice officielle de l’Elysée, sous le mandat de François Hollande.

« Parole de réal » avec Dorothée Adam, réalisatrice de L’or bleu des alpes : Un bien menacé, un film soutenu par le FODACIM.

Avant de te lancer dans ce tournage en haute-montagne, tu as eu un parcours plutôt atypique !

Oui, j’étais dans une école de commerce, et pendant une année de césure, j’ai fait un tour du monde sur le thème du développement durable, pendant lequel j’ai beaucoup filmé. Au retour, j’ai compris que c’était ce que je voulais faire. Après une formation en réalisation documentaire, je me suis spécialisée dans les films sur l’environnement, l’enfance et la solidarité. Suite à plusieurs expéditions en Arctique, j’ai créé la série documentaire « Inua, l’âme du pôle », qui mêlait images vidéos et animation. C’est devenu ma patte. Et puis en 2012, on m’a proposé de suivre la campagne du candidat à la présidentielle François Hollande. Suite à son élection, je suis devenue réalisatrice officielle de l’Elysée ! J’ai suivi le président de la République dans le monde entier et réalisé entre autres des documentaires sur les coulisses du palais présidentiel.

Après cette expérience très particulière, comment as-tu rebondi ?

J’ai tout de suite eu envie de refaire des documentaires sur l’environnement. J’ai créé une société de production qui s’appelle Inuaprod, spécialisée dans les contenus à « impact positif ». En 2018, j’ai accompagné l’expédition scientifique Polar Quest, organisée à l’occasion des 90 ans du crash d’un dirigeable italien au Spitzberg. J’ai aussi accompagné des expéditions scientifiques à bord du voilier Nanuq au Groenland. C’est là que j’ai rencontré Frédéric Gillet, un ingénieur qui a notamment réalisé sur place des échantillonnages de micro-plastiques. Frédéric Gillet que l’on retrouve dans L’Or bleu des Alpes.

 

Justement, comment t’est venue l’idée de ce film ?

Après la mission en Arctique, Frédéric Gillet, qui dirige l’association Aqualti, a décidé de prolonger cette recherche sur les micro-plastiques dans les lacs alpins. Je l’ai accompagné tous les ans pour ces prélèvements. Puis le projet s’est élargi avec l’idée de faire des relevés au sommet du mont Blanc et au niveau des exutoires de chaque glacier du massif. Le tout sur une durée très courte de cinq jours pour pouvoir comparer les résultats, et avant le début de la haute saison de randonnée et d’alpinisme. Nous avons donc tourné en juin 2021. Je n’avais pas encore de diffuseur mais j’ai pu démarrer quand même, grâce à la confiance de la société de production Lucien TV.

Comment s’est passé ce tournage en haute montagne ?

J’avais déjà réalisé des tournages assez physiques en milieu polaire, mais pour gérer l’altitude, j’ai dû m’entraîner et même consulter un médecin du sport. Les scientifiques devaient aller vite pour réaliser leurs relevés tout autour du massif, et moi je devais les devancer ! Heureusement, un partenariat nous a permis d’avoir des vélos électriques, bien utiles à certains endroits ! J’étais équipée d’une caméra légère et de mon drone. Pour le sommet du mont Blanc, c’est Bertrand Delapierre, réalisateur très habitué à la haute altitude, qui a fait les images. Et avec le cadreur Nicolas Zimmerman, j’ai aussi tourné des séquences plus bas dans la vallée, jusqu’à Chambéry, pour suivre tout le cycle de l’eau et permettre aux spectateurs de se sentir concernés.

Ton film a été diffusé sur France 3 Auvergne Rhône-Alpes, tu as donc pu collaborer avec leurs équipes ?

Oui j’ai pu travailler pendant plus d’un mois avec un monteur, cela a permis au film d’évoluer. J’ai même tourné des séquences complémentaires alors que le montage était commencé. Nous avons aussi fait réaliser une musique originale par la compositrice Claire Mazard au fur et à mesure du montage.

Les prélèvements des scientifiques ont confirmé la présence de micro-plastiques au sommet du mont Blanc et dans l’eau qui s’écoule des glaciers. Tu n’es pas découragée par ce genre de sujets ?

Ces constats ont un côté décourageant, mais j’adore la montagne et je pense qu’en mettant en valeur un territoire, en créant de l’émerveillement, c’est comme ça qu’on protège le mieux. Même si la tendance générale est inquiétante, j’essaie de passer le relais entre le monde des scientifiques et le grand public.

L’or bleu des Alpes : Un bien menacé, 52min – En savoir plus sur le film

Le CNC, comment ça marche ?

Le CNC, comment ça marche ?

Vous avez un projet de film documentaire consacré à la montagne et vous espérez obtenir l’aide du CNC (Centre National du Cinéma et de l’image animée). Dans la pratique c’est souvent plus compliqué que ce qu’on espérait… Suite aux Etats généraux du cinéma de montagne organisés en janvier 2022 à Grenoble, le FODACIM a donc consulté directement le CNC pour en savoir plus.Voici les principales choses à savoir avant de se lancer (attention on ne parle ici que de documentaire) : 

1. Vous souhaitez une aide à l’écriture

Il faut se tourner vers le Fonds d’aide à l’innovation audiovisuelle :

  • Vous pouvez en tant qu’auteur faire une demande d’aide à l’écriture. Il s’agit d’un forfait fixe de 7.500 euros, réservé à l’auteur, même si une société de production est impliquée. Mais c’est une aide très sélective : seules 5 à 10% des demandes sont acceptées et il faut un dossier très écrit, avec “un parti pris artistique fort”…
  • Si vous décrochez cette aide et que vous trouvez un producteur, celui-ci pourra dans les douze mois qui suivent demander une aide au développement (13.000 euros)
  • Si vous avez un producteur dès le départ, vous pouvez demander directement l’aide au développement renforcé (50.000 euros, versés au producteur) mais là encore c’est extrêmement sélectif.

 

©Antonin Richard

2. Vous souhaitez une aide à la production

Il faut se tourner vers le Fonds de soutien audiovisuel ATTENTION : Pour demander cette catégorie d’aides, il vous faut absolument une société de production (qui peut être la vôtre ou celle d’un tiers). C’est le producteur qui fait la demande. Il existe deux types d’aide à la production :

 

2.1. L’aide sélective à la production 

Pour la demander il faut répondre à de nombreux critères, qu’on vous résume ici : 

  • Que votre producteur n’ait pas de compte automatique de soutien au CNC (voir paragraphe 2.2) ; ou alors, si votre producteur a un compte automatique, que votre futur documentaire dure moins de 45’, ou bien que le producteur apporte moins de 12.000 euros dans le projet
  • Avoir signé un contrat de diffusion avec une chaîne de télé française ou avec un “service multimédia audiovisuel” établi en France (par exemple un service de Vidéo à la demande)
  • Et bien sûr des critères artistiques : il faut une vraie trame narrative, un point de vue, etc.

Si le dossier répond bien aux critères, il a environ 60 à 70% de chance d’être retenu.  A lire également : les bons conseils d’Arnaud Hiltzer, fondateur de la société de production Hello Emotion, pour décrocher l’aide sélective à la production.

2.2. L’aide automatique à la production

Cette aide est réservée aux producteurs qui ont un “compte de soutien automatique” au CNC. Pour cela, le producteur doit avoir, dans l’année précédant la demande, produit un certain nombre d’œuvres aidées par le CNC et diffusées (après un calcul savant dont on vous fait grâce, le producteur doit arriver à un total de 80.000 euros dans le secteur documentaire). Il doit aussi avoir déjà obtenu une aide sélective à la production. C’est donc en général un producteur qui accompagne plusieurs documentaires par an et qui a les reins solides.  Le producteur qui dispose d’un compte de soutien automatique doit ensuite réinvestir les sommes qui lui sont allouées dans de nouveaux documentaires.  Il remplit un dossier pour chaque projet avec les délais suivants : au moins un mois avant la fin des prises de vue et il a trois ans pour terminer la production. 

3. Le CNC et la thématique “montagne”

Nous avons également demandé au CNC comment étaient perçus les projets de films de montagne par les membres des différentes commissions de sélection. Des projets qui mettent parfois en avant une prise de risque importante, une notion qui peut déranger le grand public et semble freiner la diffusion de ces documentaires, souvent rares à la télévision.  La chargée de mission avec qui nous avons pu discuter nous a expliqué que les jurés sont attentifs à la manière dont ces questions sont abordées dans le projet de film. Un scénario dans lequel le danger est méprisé et ne semble pas suffisamment pris en compte sera retoqué. En revanche, la notion de courage peut être valorisante.  Bon à savoir également : le CNC n’aide pas de films à caractère promotionnel. En revanche, la présence de marques ayant fourni une aide matérielle au film n’est pas rédhibitoire  

Bien construire son dossier CNC : les conseils du producteur Arnaud Hiltzer

Bien construire son dossier CNC : les conseils du producteur Arnaud Hiltzer

Arnaud Hiltzer a fondé la société de production indépendante Hello Emotion en 2015, après avoir collaboré pendant quatre ans avec le photographe et réalisateur Yann Arthus-Bertrand au sein de la Fondation GoodPlanet.

Basé entre Paris et Chamonix, il produit principalement des films “Brand Content” pour des marques et des institutions ainsi que des documentaires d’aventures pour la télévision, comme Surf the Line (avec le collectif des Flying Frenchies) ou dernièrement La Haute Route au fil des Glaciers réalisé par Christophe Raylat.

En 2020, le FODACIM a soutenu son film Vers les monts célestes avec Cédric Gras, réalisé par Aurélie Miquel (52’), film qui a également reçu le Grand Prix du FODACIM 2021.

Arnaud a demandé l’aide sélective à la production documentaire du CNC à trois reprises et l’a obtenu deux fois. Il commence donc à bien connaître les rouages de l’institution et les pièges à éviter. Il a accepté de nous livrer quelques explications et conseils au sujet de cette aide sélective à la production (à ne pas confondre avec l’aide automatique dont bénéficient certains producteurs).

FODACIM : Tout d’abord, pourquoi est-ce que cela semble si compliqué de monter un dossier pour le CNC ?

A.H : Le CNC soutient une très grande part de l’économie de l’audiovisuel en France. Comme il s’agit d’argent public, il est normal que les aides reposent sur un système bien encadré, qui peut paraître complexe au début.
C’est le rôle du producteur de gérer le dépôt d’un dossier auprès du CNC, et le réalisateur participe à l’élaboration du dossier sur la partie artistique. Faire un film est de toute façon une aventure en soi, avec ses réussites et ses difficultés. C’est pour cela que le réalisateur et le producteur doivent bien s’entendre et travailler en transparence dès le départ.

FODACIM : Comment cela fonctionne si le projet de film est porté par un auteur-réalisateur-caméraman – comme c’est souvent le cas dans le milieu du cinéma de montagne ?

A.H : C’est très fréquent, dans ce cas le réalisateur aura à la fois un contrat d’auteur et un contrat de technicien. Il aura donc une partie de sa rémunération en droits d’auteurs et l’autre partie en salaire.

FODACIM : Quelles sont les grandes étapes à suivre pour demander l’aide du CNC ?

A.H : La première étape est de construire un dossier, avec les nombreuses pièces requises : dossier artistique, budget, plan de financement, rétro-planning, note d’intention, note de production, synopsis, scénario, résumé, etc.

FODACIM : Petite parenthèse, on a parfois du mal à percevoir la différence entre synopsis et scénario…

A.H : Le synopsis est un mélange entre le résumé et le pitch du film, il va à l’essentiel. Tandis que le scénario détaille tout ce que le spectateur va voir dans le film de manière chronologique. En documentaire, il est parfois difficile d’écrire un scénario détaillé puisque l’on filme le réel et on ne sait pas à l’avance ce qu’il va se passer. Dans ce cas on va écrire ce que l’on cherche à montrer à travers son dispositif.

FODACIM : Que se passe-t-il une fois le dossier constitué ?

A.H : Le producteur cherche un diffuseur – en général une chaîne de télévision – qui rédigera une lettre d’engagement pour diffuser le film. C’est un document indispensable pour déposer un dossier auprès du CNC.

FODACIM : On envoie ensuite son dossier au CNC ?

A.H : Oui, et il faut savoir que chaque société de production a un chargé de compte au sein du CNC. C’est une personne avec qui on peut échanger si besoin. Je conseille d’ailleurs de ne pas déposer son dossier au dernier moment, mais au moins une semaine avant la date limite de dépôt pour avoir le temps de compléter son dossier en cas de pièce manquante par exemple. Les commissions se réunissent environ une fois par mois et les dates de dépôt se font en général deux mois avant. 

Bon à savoir, il existe une bibliothèque de dossiers “modèles” sur le site du CNC : .

FODACIM : Tu as porté plusieurs projets qui ont été sélectionnés par le CNC, mais tu as aussi essuyé un refus, sais-tu pourquoi ?

A.H : Oui, c’est d’ailleurs sur le film Vers les Monts Célestes avec Cédric Gras soutenu par le FODACIM ! Le scénario tel qu’il était rédigé n’a pas convaincu la commission, probablement parce que le dispositif proposé était trop original pour de la télévision.

FODACIM : Selon toi, quels types de films de montagne peuvent intéresser le CNC dans le cadre de cette aide sélective ?

A.H : Soit le sujet est incroyable, comme un événement ou une histoire qui doit vraiment être montré à la télévision, et le dossier peut facilement passer. Soit on est davantage sur un film d’auteur et dans ce cas il faut vraiment convaincre à l’écriture. Il faut garder en tête la notion de “mise en image du réel” ! Il y a tout de même un peu de concurrence alors bonne chance à toutes et à tous !

 

La réalisation d’un film de montagne : à quelles aides et bourses prétendre ?

La réalisation d’un film de montagne : à quelles aides et bourses prétendre ?

Le FODACIM vous liste dans cet article des aides, bourses et formations ainsi que des sites ressources sur lesquels vous pourrez également trouver d’autres informations et aides. Nous vous invitons à vous renseigner sur les conditions d’accès aux aides car un certain nombre d’entre elles sont accessibles uniquement via une société de production. 

1. Les aides financières et les bourses

Dans la construction d’un budget, différents types de financements peuvent entrer en compte. La plupart d’entre eux font l’objet d’une attribution sur dossier. Il est nécessaire pour les demandeurs d’avoir un dossier attirant et qui répond aux critères de l’aide en question (souvent, la présence d’un producteur sur le projet est nécessaire).

pierre-cadot
1.1. Les organismes publics
  • Commission Télévision de la PROCIREP (Société des producteurs de cinéma et de télévision) : aides à la production et aides au développement.
    A destination des producteurs
1.2. Les collectivités territoriales
  • Parcs naturels régionaux/nationaux, Villes, communautés de communes : certains films fortement rattachés à un territoire peuvent bénéficier d’aides des différentes collectivités. Pour cela, il est nécessaire d’avoir un dossier de présentation du projet solide et attractif. 
1.3. Les associations et fondations :
  •  Le FODACIM : à destination des réalisateurs, producteurs, auteurs…

 

1.4. Les appels à projets

Certains organismes ou chaînes de télévision mettent en place des appels à projets de film. L’aide relève donc plutôt d’une co-production avec l’organisme. Ces appels à projets sont souvent thématiques et permettent aux réalisateurs d’avoir des budgets honorables mais le projet devra répondre à des contraintes et des règles fixés par l’organisme qui entre en co-production. 

2. Des sites ressources pour les réalisateurs : 

 

Cet article n’est pas exhaustif et est amené à évoluer. Si vous êtes réalisateur, producteur, auteur et que vous avez des suggestions à nous apporter sur d’autres sources de financement, contactez-nous à contact@fodacim.fr

Appel à projets – Montagnes & Environnement

Appel à projets – Montagnes & Environnement

Appel à projets de films pour le “Prix Ushuaïa TV Montagnes & Environnement” en partenariat avec le Chamonix Film Festival et le Fodacim.

 

Règlement

Le Chamonix Film Festival, le FODACIM et Ushuaïa TV lancent un appel à projets pour la 1ère édition du Prix du Film Ushuaïa TV Montagnes & Environnement. Une opportunité pour les réalisateurs de proposer un projet de film de 52 minutes illustrant les thématiques de la chaîne telles que la biodiversité, l’environnement ou la protection des espèces dans l’espace montagnard.

Le réalisateur pourra s’associer au producteur de son choix.

Le projet lauréat obtiendra :

  • Une coproduction d’Ushuaïa TV d’une valeur de 15 000 euros à conclure avec le producteur du film ;
  • Une aide du FODACIM de 2 500 euros ;
  • la projection du film en avant-première au Chamonix Film Festival en juin 2024 ;
  • La diffusion du film sur l’antenne d’Ushuaïa TV comme premier diffuseur.
 

Le calendrier

  • Réception des projets jusqu’au mercredi 15 mars 2023.
  • Pitch par le réalisateur des 3 meilleurs projets sélectionnés auprès de l’équipe éditoriale d’Ushuaïa TV.
  • Remise du « Prix du Film Ushuaïa TV Environnement et Montagnes» dans le cadre du Chamonix Film Festival en juin 2023.
  • Diffusion en avant-première du film au Chamonix Film Festival en juin 2024.

Le règlement

Le réalisateur pourra s’associer au producteur de son choix.
Les dossiers des projets devront être communiqués en français :

  • soit par courrier à l’adresse suivante :

Appel à projets  du Prix du Film Ushuaïa TV Environnement et Montagnes
Ushuaïa TV – Géraldine Chabot
1 quai Point du jour
92100 Boulogne

  • soit par mail au format pdf à l’adresse email suivante : gchabot@tf1.fr

Ils devront comprendre :

  • un synopsis développé,
  • une note d’intention et de réalisation,
  • une filmographie du réalisateur et du producteur,
  • une fiche technique indiquant le titre, la durée du projet, la composition de l’équipe artistique, les moyens techniques et les lieux de tournage pressentis,
  • la liste des organismes de recherche sollicités et des intervenants scientifiques envisagés,
  • un budget et un plan de financement.

La sélection

Ushuaïa TV sélectionnera les projets selon les critères suivants :

  • le respect de la ligne éditoriale de la chaine,
  • la pertinence du projet,
  • la faisabilité financière du projet.

“Quartiers d’été” : immersion pastorale

“Quartiers d’été” : immersion pastorale

Entre liberté idéalisée de ces grands espaces et précarité d’un métier qui s’exerce 24h/24, il y a tout un monde qu’Aude Joël nous dévoile dans « Quartiers d’été ». Quatre bergers et bergères, leurs chiens et des centaines de brebis, ce sont les protagonistes de ce documentaire qui nous immerge, le temps d’une estive, dans la vie quotidienne de ces hommes et femmes qui vivent et travaillent en alpage.

« Parole de réal » avec Aude Joël, réalisatrice de Quartiers d’été, un film soutenu par le FODACIM.

Tu n’es ni réalisatrice, ni bergère, d’où vient cette idée de documentaire sur ce métier si particulier ?

J’ai un peu découvert le monde des bergers par hasard parce que j’ai de la famille qui travaille à la montagne. L’idée de faire un film m’est venue pendant une pause professionnelle et ça a vraiment surgi d’une rencontre avec des gens qui m’ont fait découvrir leur métier et leurs modes de vie pendant 3 mois. Ca correspondait à des questions que je me posais à ce moment-là sur la manière de vivre, sur le rapport au monde, sur le rapport à la nature, à la connexion et à la déconnexion.

Tu poses un regard bienveillant et juste sur ce milieu, quelle a été ton intention en faisant ce film ?

Mon idée était d’essayer de retranscrire les émotions, les situations et le quotidien qui est extraordinaire pour la plupart des gens mais qui a aussi une part d’ordinarité. On se lève le matin, on prend son petit déjeuner, on part travailler… J’avais aussi envie de montrer cet esprit contemplatif parce que l’alpage c’est ça parfois : ça s’accélère d’un coup, pendant deux heures on court dans tous les sens. Puis les deux heures qui suivent, les brebis chôment et on trouve un coin à l’ombre pour lire ou faire la sieste.

 

Après un été en alpage, tu as voulu remonter l’été suivant pour faire un film. Comment as-tu préparé et réalisé ce tournage ?

J’ai profité des intersaisons et de l’hiver pour écrire. J’avais des notions de photos et de réalisation mais sous l’angle institutionnel. Ce film, il fallait que je le fasse seule parce que ce n’est pas possible d‘emmener une équipe de tournage. Les personnes que j’ai rencontrées étaient d’accord pour être filmées mais sans avoir toute une équipe autour. Ça se voulait très intimiste et c’est aussi ce dont j’avais envie !
Pour tourner, je montais généralement 4-5 jours sur un alpage et je restais avec un berger. Puis je redescendais 2 jours pour recharger les batteries et dérusher. Et je remontais quelques jours sur l’alpage suivant. J’ai fait ça pendant 3 mois et demi. Au final, c’était une expérience pour moi aussi.

“Mon idée était d’essayer de retranscrire les émotions, les situations et le quotidien qui est extraordinaire pour la plupart des gens mais qui a aussi une part d’ordinarité.”

Aux yeux du spectateur, la caméra est très discrète. Comment arrives-tu à faire oublier ta présence et celle de ta caméra ?

J’ai énormément filmé. Je filmais du matin au soir, ce qui était très épuisant mais qui  permettait peut-être parfois d’occulter la caméra. Je ne disais jamais « action » ou « c’est  bon on a une séquence ». La caméra tournait tout le temps ! Cela permettait de capter des choses que je n’aurais pas pu avoir si je n’avais pas fonctionné comme ça. C’est aussi l’esprit du film, je n’ai pas écrit de synopsis, j’avais envie que ça soit vraiment immersif et au plus proche de ce que je pouvais vivre pendant cette estive là.

Le montage a dû être une véritable épreuve avec tous ces rushs. Quels ont été tes critères pour sélectionner les bonnes images et créer la trame ?

Le montage a été assez difficile, un peu une expérience dans l’expérience. J’ai travaillé avec un monteur, José Ostos, que j’ai rencontré assez tôt dans le projet, avant de commencer à tourner. Il avait l’expérience de ce genre de tournage et en terme de philosophie de film, on était plutôt dans le même registre. Il m’a beaucoup conseillé au moment du tournage puis au montage, on a fait un travail d’identification des séquences. L’idée était assez claire que la trame du film ce n’était pas une histoire en tant que telle mais des séquences assez représentatives des situations et des problématiques que chaque berger peut rencontrer.

Peux-tu décrire ton processus d’écriture ?

J’avais beaucoup écrit sur l’intention et de quelle façon ça me parlait. Mais je n’avais pas
d’histoires et de synopsis écrit. J’avais une bonne image des situations que je pourrais rencontrer parce que j’avais un peu vécu ça l’année précédente. J’ai aussi eu une aide à l’écriture avec l’association Vidéadoc, basée à Paris. Ils proposent une aide à l’écriture du dossier. C’était assez tôt dans le projet, avant d’écrire, avant de tourner puis après avoir tourné. Cela m’a poussé à me poser des questions sur l’écriture du film également, cela m’a fait réfléchir sur la manière de faire.

 Tu as aussi travaillé avec une société de production pour faire une version 52min de ton film.

Pour la version longue, j’ai écrit et tourné le film seule. Tout a été auto financé au départ puis à partir du moment où le FODACIM m’a aidée, il y a d’autres financements qui sont arrivés (parcs nationaux, département).
Le travail avec un producteur ne concerne que la version 52min et la diffusion sur France 3. Je connaissais un producteur dont le frère est berger dans les Pyrénées. Quand il a vu le teaser, il m’a proposé de l’envoyer à plusieurs chaînes et c’est France 3 PACA qui a souhaité le diffuser. Cette version est adaptée de la version longue.

 

Quartiers d’été de Aude Joël, 1h18. Voir la bande-annonce