On a marché sous la terre : Les « conquérants de l’inutile » à 1000 m de profondeur

En 2021, Cédric Lachat et David Parrot tentent de rejoindre le mythique Gouffre Berger dans le Vercors via le gouffre de la Fromagère. Cette jonction serait une première ! Mais qu’est-ce qui pousse les spéléologues à explorer ces milieux hostiles ? Alex Lopez livre un documentaire captivant autour de l’aventure de ces conquérants souterrains de l’inutile.

Paroles de real avec Alex Lopez, « On a marché sous la terre », un film soutenu par le FODACIM, diffusé le mardi 13 juin au Chamonix film festival.

Alexandre Lopez, réalisateur – photo : Andy Parant

Comment t’es venue l’idée pour ce film mêlant aventure souterraine et réflexions sur la pratique de la spéléologie ?

C’est un film que j’avais envie de faire depuis plusieurs années, je savais quels propos je voulais tenir mais je n’avais pas encore trouvé ni le lieu ni les protagonistes sur lesquels m’appuyer. A un moment, Cédric et David ont publié une vidéo dans le gouffre de la Fromagère et à ce moment là je me suis dit que tout était réuni : un gouffre mythique, deux spéléos très charismatiques et une histoire d’exploration en zone profonde avec de l’engagement.

Pour faire un film de spéléo, il faut être pratiquant ? Comment prépares-tu un tournage sous terre ?

Faire un film en milieu souterrain est inimaginable sans avoir de pré-requis techniques. Il faut pouvoir se concentrer uniquement sur l’image, l’intention de ce qu’on veut filmer. Pour pouvoir être suffisamment disponible pour le faire, il faut ne plus avoir à penser au reste, donc la spéléo.

Ensuite, il y a deux dimensions importantes pour ce tournage là : une préparation mentale, on a besoin de conscientiser l’expédition pour se préparer aux conditions hostiles, et une préparation plus pratique, pendant laquelle je vérifie tout mon matériel pour qu’il n’y ait aucune erreur possible.

Une fois sur place, est-ce que tu savais déjà ce que tu voulais filmer ? Avais-tu fait des repérages ?

Quand on fait un film pour la télévision, ce qui était mon cas, il faut écrire l’histoire avant qu’elle ne se soit déroulée. J’ai donc dû écrire un scénario avec les événements que Cédric et David pourraient rencontrer. En spéléo, l’expédition est souvent rythmée par les mêmes rebondissements narratifs et les mêmes actions. Je me suis donc basé sur des récits d’exploration pour écrire mon histoire. Ils pourraient être confrontés à une crue, à des arrêts sur des blocs coincés, à des passages rétrécis avec de la boue… A partir de là, j’étais préparé à ce que ça arrive et j’avais déjà anticipé la manière dont je filmerais chaque situation. J’ai fait le choix d’un tournage anticipé et mesuré tout en laissant évidemment une place à l’inconnu.

Qu’est-ce qui est le plus difficile quand tu suis une équipe de spéléo ?

Le plus dur, c’est quand David et Cédric sont en exploration, en première [le moment où ils découvrent une nouvelle galerie] ! A ce moment-là, l’excitation de la découverte passe au-dessus de la réalisation du film et il faut les retenir. En amont, on a mis en place un processus de tournage avec eux qu’ils oublient un peu dans ces moments-là.

Par exemple, il faut penser à contextualiser les discussions, ne pas être grossier, baisser les lampes face à la caméra, rester groupé, faire des points réguliers. Ce sont des points qu’on a décidé pour faciliter le tournage sous terre sinon c’est impossible de raconter l’histoire.

Comment as-tu fait pour suivre ces deux spéléologues aguerris ?

Mon choix sur ce film c’est que je ne voulais pas que leur rythme soit trop contraint par le tournage du film. En réalité, il est évident qu’ils m’ont attendu parfois. Mais il a été très rare que je leur demande de refaire une scène parce que j’aurais raté ma prise. C’est arrivé une seule fois dans tout le tournage. Tout le reste a été pris sur le vif.

C’est le « cinéma vérité », je me suis inspiré de Marcel Ichac qui a filmé en montagne dans les années 1950. Il disait que tout se serait passé de la même manière s’il n’avait pas été là. Ça a été mon parti pris sur ce film et c’est notamment possible grâce à Cédric et David qui sont habitués à la caméra.

“C’est le cinéma vérité, je me suis inspiré de Marcel Ichac qui a filmé en montagne dans les années 1950″

Soline Kentzel escalade une voie. Elle est concentrée

Tu fais un parallèle avec les conquérants de l’inutile dans ton film, pourquoi ce choix ?

J’ai voulu m’appuyer sur les conquêtes qui ont eu lieu dans les années 1950. En même temps qu’on parlait des sommets en Himalaya, on avait découvert le premier gouffre qui dépassait les 1000m de profondeur. Le gouffre Berger est un des rares noms resté dans la tête du grand public parce qu’il a été médiatisé à cette époque.

J’aimerais que les gens qui font de la montagne, comme ceux qui en sont éloignés, aient un regard sur la spéléo qui puisse être celui qu’on a porté depuis 50 ans sur l’alpinisme. C’est aussi ce qui a plu à Bonobo production, qui a produit le film puis qui l’a vendu à France TV (devenus coproducteurs du film). Pour eux ça avait du sens de questionner ces conquérants de l’inutile et d’avoir une approche philosophique, tout en montrant au grand public des images inédites de spéléologie.

Comment as-tu travaillé sur ce film fait pour la télévision ?

Travailler avec une société de production et une chaîne TV, ça alourdit tout le processus. Cela demande d’être capable de porter sur ses épaules un projet pour lequel on a beaucoup de comptes à rendre. Si un réalisateur veut faire un film sans contrainte, avec une liberté d’expression totale, il ne faut pas aller vers la télévision. Par contre, j’ai été soutenu du début à la fin par la société de production et les coproducteurs de la chaîne TV, qui ne m’ont jamais mis de bâton dans les roues.

Tout au long du processus il faut pouvoir argumenter tous ses choix et c’est un travail monumental. Je ne regrette pas d’avoir fait ce film avec la télévision. Mais je prépare un prochain film et je réfléchis à reprendre ce processus ou non…Disons que c’est pas quelque chose à prendre à la légère.

On a marché sous la terre de Alexandre Lopez  En savoir plus sur le film
Diffusion le mardi 13 juin 2023 au Chamonix film festival

DERNIERS ARTICLES

Promotion 2024 : 15 nouveaux projets soutenus !

Promotion 2024 : 15 nouveaux projets soutenus !

  Cette année, nous avons reçu 65 dossiers à notre appel à projets annuel, sur lesquels le comité de sélection en a retenu 15. Nous mettrons à jour le site internet au plus vite pour mettre en avant ces projets ! Découvrez la promo 2024 : - Ma cité au sommet de...

2ÈME ÉDITION DU “PRIX USHUAÏA TV MONTAGNES & ENVIRONNEMENT”

2ÈME ÉDITION DU “PRIX USHUAÏA TV MONTAGNES & ENVIRONNEMENT”

Appel à projets de films pour le "Prix Ushuaïa TV Montagnes & Environnement" en partenariat avec le Chamonix Film Festival et le FODACIM. À l’occasion de la prochaine édition du Chamonix film festival qui se déroulera du 11 au 16 juin 2024, Ushuaïa TV lance un...

Derrière l’exit : Le base jump exploré en 52 minutes

Derrière l’exit : Le base jump exploré en 52 minutes

Dans Derrière l’exit, plusieurs ambitions se croisent : faciliter la compréhension de cette pratique, porter la voix de la communauté des base jumpers et faire découvrir cette pratique finalement assez méconnue. L'exploration de cette pratique dans le film part du...

La promotion 2023 du FODACIM

La promotion 2023 du FODACIM

Le comité de sélection du FODACIM a longuement débattu pour sélectionner les 14 projets de films que nous soutiendrons cette année ! Découvrez les 14 projets lauréats : - Call Of Karakoram de Sébastien Carniato et James Price- Le futur de l'escalade de Guillaume...