C’est l’histoire d’un double pari réussi. Celui d’une jeune grimpeuse qui en quelques mois est devenue la troisième femme au monde à réussir une voie cotée 9b et s’est qualifiée pour les JO de Tokyo (2021). Celui aussi d’un journaliste-photographe qui a suivi Julia pendant plus de trois ans pour raconter en images sa magnifique progression.
Comment est née l’idée de ce film baptisé « Julia » ?
J.C : En mars 2017, je suis journaliste indépendant – pas encore aux manettes d’Alpine Mag avec Ulysse Lefebvre – et je photographie Julia Chanourdie au Toit de Sarre, dans le Val d’Aoste en Italie. Elle y réalise son premier 9a, sur Ground Zero, ce qui la classe déjà parmi les meilleures grimpeuses mondiales, à l’âge de 20 ans. Il faut noter que ce plafond, cet énorme dévers, faisait partie des 100 plus belles courses de Rébuffat dans le massif du Mont-Blanc, mais qu’il est devenu entre temps un laboratoire de voies extrêmes pour les grimpeurs de falaise. En avril 2018, Julia me rappelle car elle souhaite réaliser un nouveau 9a sur la falaise de Mollans-sur-Ouvèze dans la Drôme, et cette fois je sors la caméra. Aucun de nous deux ne savait où cela nous mènerait. Ce n’est pas comme un film d’expédition, avec un départ et un retour.
Comment la confiance s’est-elle installée entre vous ?
J.C : A Mollans-sur-Ouvèze, j’étais là quand elle a enchaîné son 9a, une première féminine dans cette voie de Molasse’son. Julia s’est dit que je lui portais bonheur (rires). A l’été 2018, quand elle travaille son 3e 9a à Rawyl en Suisse, je rencontre ses amis et surtout son père. Je me rends compte de la relation particulière qu’elle a avec lui. Une relation saine, qui vise à l’aider et la conseiller, sans la pousser outre mesure, contrairement à ce qu’on voit parfois dans le sport de haut niveau. Les parents de Julia géraient une salle d’escalade (Freestone) à Annecy, et c’est là que leur fille a fait ses premiers pas de grimpe, avant ses premiers pas tout court, quasiment ! Elle a commencé la compétition à 8 ans, et fin 2019, c’est l’aboutissement avec sa qualification à Toulouse pour les JO de Pékin. Une fois son ticket en poche, elle repart en falaise et le 4 novembre 2020, elle vient à bout de Eagle-4, une voie en 9b à Saint-Léger du Ventoux.
Donc j’ai eu envie de montrer à la fois cette relation très forte entre Julia et son père, le parcours d’une grimpeuse de haut niveau qui doit tout de même se battre un peu pour vivre de sa passion, et cet amour de la falaise qui ne la quitte pas malgré les médailles en compétition.
En tant que « jeune » réalisateur, comment travaille-t-on un tel sujet ?
J.C : Jimmy Chin n’était pas disponible donc c’est moi qui me suis lancé (rires) ! Plus sérieusement, Julia et son père étaient confiants dans ma connaissance du milieu, de son histoire. Techniquement, j’avais déjà réalisé des films corporate pour des marques. Pour ce qui est de tourner en paroi, j’avais les bases. Le plus dur a été de filmer Julia sur un temps très long, en respectant son calendrier, les confinements (soupirs) et sans lui mettre la pression. Quand on s’entraîne dans une voie extrêmement difficile, on n’a pas forcément envie d’avoir une caméra près de soi, un micro accroché à ses vêtements… J’ai essayé d’être prévenant, jamais invasif. Ensuite, il y a eu un gros travail d’écriture avec Hugo Clouzeau, le monteur, pour raconter ces trois années avec des scènes importantes que je n’avais pas pu filmer mais que nous avons pu récupérer grâce aux images tournées au téléphone portable par l’entourage de Julia.
Comment Julia a-t-elle accueilli ton film ?
J.C : J’appréhendais beaucoup de lui montrer mais heureusement elle en a été très contente, de même que son père. Julia n’est pas encore très connue du grand public mais sa popularité augmente. Ce film montre une jeune femme équilibrée, qui vit comme tout le monde tout en étant l’une des meilleures grimpeuses du monde.
Propos recueillis par Sophie Cuenot, coordinatrice du FODACIM