Loin des débats sur la présence de cet animal, le film s’attache à montrer la richesse de nos massifs. Entre snowboard et entretiens avec des spécialistes, Thomas Delfino propose avec « Traces » une autre vision de la montagne, celle qui prend le temps d’observer, d’apprendre et d’apprécier l’approche. Entretien avec Thomas Delfino.
« Traces » est ta première réalisation mais tu as déjà participé à des projets comme Zabardast, Shelter… Comment es-tu passé de protagoniste à réalisateur de film ?
Avec Picture [marque de vêtements outdoor], j’étais déjà moteur du projet, comme pour le film « Zabardast ». Les athlètes proposent une idée et la marque décide de financer ou pas. Pour « Zabardast », j’ai monté l’équipe, le projet et le film a été organisé avec Jérôme Tanon, réalisateur.
Pour « Traces », j’avais cette idée autour du loup depuis plusieurs années mais je ne trouvais pas les financements pour me lancer. L’argent doit servir à payer les personnes qui vont travailler sur le film. En 2021, je me suis lancé sans avoir tout l’argent nécessaire, en m’arrangeant avec l’équipe pour parfois payer avec du matériel ou en leur ouvrant d’autres opportunités.
Le processus d’écriture du film est parfois complexe pour un jeune réalisateur. Comment as-tu fait pour ton premier film ?
J’ai écrit quelques idées en amont du tournage mais créer le film après avoir tourné toutes les images a été plus compliqué. Evan Rouillard, le monteur m’a beaucoup aidé sur cette partie. Je n’avais pas écrit de scénario en amont, juste quelques idées de plans, de scènes, de ce que je voulais filmer mais pas de manière très détaillée. Le film s’est construit autour des entretiens avec les naturalistes et je ne savais pas ce qu’il allait en sortir.
Sur un autre projet, je travaille avec un ami réalisateur et on écrit beaucoup de choses à l’avance, le scénario, le storyboard… D’un côté, ça réduit ce qu’il est possible de faire sur le terrain mais de l’autre, ça cible ce qu’il faut tourner et permet d’être plus efficace. Ecrire l’histoire en avance est une bonne chose mais une fois sur place, il faut aussi pouvoir s’adapter. Pour moi c’est important de garder la spontanéité de ce qu’il va se passer sur place parce qu’on n’écrit pas une fiction.
Pour tourner un film en montagne, il faut s’adapter aux conditions météo. Comment as-tu
géré ces contraintes sur le tournage de Traces ?
Tourner un film de snowboard, d’action nous rend complètement dépendants des conditions.
L’année dernière, on a eu de la chance avec un super hiver, de la neige à 1200m ce qui était top pour le sujet du film et pour faire des séquences en forêt. Pour les images d’action, on se débrouille toujours. En ce moment par exemple, les conditions sont difficiles mais j’arrive quand même à faire des images qui donnent l’illusion d’une bonne descente.
Parmi tous les animaux qui vivent dans nos massifs, tu as choisi le loup. Pourquoi ?
Au-delà du fait que c’est un animal qui divise beaucoup, c’est le seul grand prédateur de nos montagnes, avec le lynx mais qui est encore moins visible. C’est un animal qui représente le sauvage comme aucun autre, il donne une image forte de ce monde animal. Il y a tout un imaginaire autour du loup qui est intriguant : les gens ont peur des loups mais il n’attaquera jamais un humain.
Le but était vraiment d’essayer de me rapprocher du monde sauvage avec ce projet et c’est
notamment pour ça que j’ai choisi cet animal.
Comment as-tu pensé le film par rapport aux débats qui entourent cet animal ?
J’ai préféré me concentrer sur l’animal et pas sur ce qu’il y autour. Dans le film, j’ai choisi de ne pas parler du tout d’élevage par exemple. De plus, les gens ne connaissent pas bien le loup et le film permet d’ouvrir une porte vers cet animal. L’idée était d’en apprendre plus en allant voir des personnes spécialistes du sujet, sans vouloir prendre sa défense mais pour tenter de mieux le connaître. J’ai essayé de rester en dehors du clivage « pour ou contre le loup » et de le présenter comme un animal mystique qui rôde dans la forêt.
Le public comprend que le sujet du film n’est pas le débat mais plutôt l’animal en lui-même. S’il y a des questions sur ce sujet, j’ai souvent laissé répondre Pierre Sellier ou Guillaume Collombet [photographes naturalistes] qui ont l’habitude de ces questions. Dans notre discours, on essaie de ne pas prendre position mais je comprends que la question soit difficile du côté des éleveurs.
Tourner en Belledonne et dans le Vercors c’était important pour toi ?
Le loup est aussi présent dans la région et les grenoblois ne le savent pas forcément ! Le loup est un animal difficile à apercevoir et pourtant il est là. Cette phrase revient plusieurs fois dans le film « pourtant il est là » même si on ne le voit pas. En plus, je n’avais jamais filmé dans le massif de Belledonne ni du Vercors pourtant le potentiel est énorme. C’était l’occasion de créer une histoire à la maison et de montrer des images de snowboard que les gens n’ont pas l’habitude de voir aux alentours de Grenoble. Les gens sont touchés de voir qu’il est possible de faire de jolies images dans nos massifs.
Que t’as apporté ce projet ?
Avec ce film, j’ai trouvé une nouvelle approche de la montagne. Souvent on part avec un objectif, un sommet, une ligne à rider. Ici, j’ai pu apprécier l’approche, les parties de forêts qu’on tente parfois de passer rapidement. Je prends beaucoup plus le temps, notamment de repérer les traces sur les chemins.
Ce film a reçu l’aide du FODACIM pour sa réalisation.
Voir le film sur grand écran : https://isereoutdoor.fr/fr/animation/396
La bande-annonce : https://www.fodacim.fr/film/traces
L’équipe du film :
Julien Ferrandez – prise d’images
Evan Rouillard – montage
Arthur Vincent, Thomas Aussenac – Musique
Sound Object – Mixage Son
Pierre Antoine Gilles – Direction artistique
Jérome Tanon – Photographie
Tom Granier, Samuel Macmahon – Scènes complémentaires
Avec Pierre Sellier, Lionel Tassan, Guillaume Colombet, Ben Thomas-Javid, Victor Daviet, Antoine Marechal.